Par Gabrielle Vizzavona /
Millésime tactile et sensuel, 2018 s’annonce grandiose pour les amateurs de cachemire et de soie.
En janvier 2018, un peu partout en France, l’humidité s’installe. Le Bordelais n’est pas en reste, recevant de janvier à juin l’équivalent d’une année de précipitations. Le climat maussade s’associe pendant plusieurs mois à l’inquiétude, le risque historique de maladies ne laissant aucun répit aux vignerons menacés. Le mildiou est le principal prédateur, un champignon d’autant plus redoutable que sa contamination est d’abord invisible. Les bottes et les racines dans l’eau, la vigne et son maître tentent de contraindre l’attaquant dont la virulence est stimulée par une météo tout à fait à son goût, mêlant averses incessantes et douceur ambiante.
Mai et juin 2018 sont particulièrement pluvieux ; certains vignerons subissent plusieurs infections par semaine. Une guerre contre le parasite commence, avec pour seule arme une stratégie de lutte judicieuse qui inclut prévention, qualité des traitements et réactivité des équipes. Le dernier accident notable a lieu le 15 juillet 2018, pendant la finale de la Coupe du monde de football : “On se prend un énorme orage de grêle pendant le penalty de Griezmann, raconte un vigneron amateur de ballon rond. Cela a vraiment été dévastateur pour certains d’entre nous. ”
Millésimes contrastés
Tous ne s’en sortent pas de la même façon, ce qui rend le millésime hétérogène en quantité avec des rendements qui oscillent entre 10 hl/ha et 50 hl/ha. Le merlot, plus sensible à l’humidité, est particulièrement atteint. Les choses débutent mal, mais, parfois, la bénédiction avance masquée. Au déluge succède un été chaud et très sec. Les trombes d’eau reçues se révèlent une force : la vigne, soudainement soumise au stress hydrique, dispose des nappes phréatiques goulûment gonflées l’hiver et le printemps durant.
Puis les vendanges s’étalent sur deux mois sous le soleil éclatant de l’été indien. Les millésimes contrastés sont parfois emprunts d’une magie inexplicable ; la vigne malmenée se dépasse, et, tant que les raisins vivent leurs derniers instants au sec, l’issue est souvent glorieuse. Millésime tactile et sensuel, 2018 s’annonce grandiose pour les amateurs de cachemire et de soie. Les crus sont marqués par l’abondance et la qualité de leurs tanins, dont la grande maturité les enrobe de grains séducteurs.
Il fallait cette année extraire le presque trop de matière avec précaution et doigté, pour éviter les structures démesurément massives et les fins de bouche un peu sèches. Les vins sont très colorés et jouissent d’une remarquable densité aromatique, souvent allégée par une fraîcheur soutenue. Les jus les plus aboutis étalent de rares et imperturbables longueurs. Moins parfait et homogène que le spectaculaire millésime 2016, 2018 a peut-être plus de chien. C’est un millésime de texture et de longueur, célébration de vins de finale plutôt que d’attaque. Comme le dit le créateur de mode Giorgio Armani, “ l’élégance, ce n’est pas que l’on vous remarque, mais que l’on se souvienne de vous ”. Les dégustations ne laissent aucun doute sur le fait que 2018 marquera les esprits.
Source : Le Figaro.fr