par Gabrielle Plastre

Le soleil d’hiver se levant sur la vigne à Cafayate, Salta
Le mot « terroir » est un terme large pour inclure tous les facteurs naturels et humains affectant les vins d’une même région. En ce sens, pour couvrir tous les terroirs de l’Argentine ou de toutes autres régions du monde, il ne me faudrait pas moins qu’une thèse de maîtrise! Cependant, il est possible d’isoler quelques éléments qui singularisent les terroirs argentins.

Carte des régions de l’Argentine – crédit WofA
pour consulter en détails
S’étirant du 22o parallèle au 42o parallèle sud, l’Argentine divise ses 226 338 hectares de vignes en 4 grandes régions. Le Nord (en mauve), avec moins de 3% des plantations de vigne du pays, inclut les provinces de Jujuy, Catamarca, Tucumán et, la plus importante, Salta. Au centre, la dense région de Cuyo (en rouge) remporte facilement la première place en terme de plantation avec près de 95% des vignes réparties dans les provinces La Rioja, San Juan et, surtout, Mendoza. La Patagonie (en orange), avec environ 1,5% des hectares nationaux, englobe les provinces de Neuquén, de la Pampa, de Rio Negro et, nouvellement associée, Chubut. L’an dernier, une toute nouvelle région a été créée et est devenue la 4e région viticole, l’Atlantique (en jaune). Le territoire côtier se limite à la province de Buenos Aires au sud de la métropole portant le même nom.
La latitude et l’altitude sont deux aspects primordiaux lors de la définition du terroir viticole argentin. Le Nord de l’Argentine fait parti des régions, au niveau mondial, les plus proches de l’équateur. Dans les faits, la province de Jujuy est traversée par le tropique du Capricorne. Qui dit tropique, dit beaucoup trop chaud pour y cultiver la vigne! Alors pour compenser pour la latitude, les Argentins ont grimpé en altitude. À chaque 100 mètres (m) en montagne, on perd l’équivalent de 0,6oC.

Des vignes de la vallée de Cafayate à plus de 1600m d’altitude et la montagne
Dans la province de Salta, les vignobles se trouvent entre 1600m et 2500m d’altitude. D’ailleurs, le plus haut vignoble au monde s’y retrouve à 3111m d’altitude (Altura Maxima par Colomé). À Cuyo, au centre du pays l’altitude varie entre 700m à 1400m. Plus on descend vers la Patagonie (entre le 38o S et le 42o S)* moins l’altitude (entre 150m à 350m) est nécessaire pour contrer la température. Malgré toutes ses variations en latitude et en altitude, la température annuelle moyenne de toutes ses régions se situe aux alentours de 15 à 17oC.
L’altitude apporte aussi un autre phénomène bénéfique à la vigne, une amplitude thermique journalière élevée. Durant le jour, la chaleur permet au raisin de développer ses sucres et d’atteindre sa maturité. Alors que la nuit, la fraîcheur permet au raisin de garder son acidité naturelle. Le fait d’être haut en altitude provoque de plus grands écarts de température, accentuant le procédé.

Des vignes à perte de vue de la vallée de Uco, Mendoza et la montagne
Il ne faut pas confondre altitude avec inclinaison. Les vignobles argentins sont, pour la vaste majorité, situés dans des vallées ou sur des plateaux entre deux chaînes de montagne. Ils ont une inclinaison pratiquement nulle! C’est d’ailleurs ce qui m’a le plus marquée en visitant les différents vignobles; on est haut, mais à plat!
La cordillère des Andes qui borde le pays à l’ouest agit comme une barrière naturelle. Elle crée un climat continental, sec et chaud en été en retenant les vents froids et les pluies venant de l’océan Pacifique du côté du Chili.

Le climat sec et le vent Zonda – crédit WofA
Cependant, il arrive parfois que des masses d’air chaud et humide traversent vers l’Argentine créant un vent chaud, le Zonda. Déferlant le long de la cordillère, il perd de son humidité et augmente en vitesse pour atteindre la région de Cuyo avec des rafales allant de 40 km/h jusqu’à 200 km/h ! Ce vent assèche et réchauffe les vignobles jusqu’à ce qu’un fond d’air froid vienne le chasser.

Les filets protecteurs contre la grêle, les tubes d’irrigation goutte-à-goutte et des moutons tondant le gazon à Mendoza
La cordillère des Andes, par la fonte de neiges, procure aussi une source d’eau pure à laquelle les vignobles s’abreuvent. Les précipitations (entre 100mm et 330mm)** ne suffiraient pas à nourrir la vigne. Sans les systèmes d’irrigation modernes (le goutte-à-goutte) et ancestraux (l’inondation contrôlée par des canaux), des terres arides remplaceraient les vignobles. Ce climat sec réduit le nombre de maladies phytosanitaires qui pourraient s’attaquer à la vigne à presque zéro! Les vignerons peuvent travailler en culture biologique sans craindre pour leur récolte. Le plus gros risque pour les vignerons, particulièrement dans la région de Mendoza, prend la forme d’immenses grêlons pouvant détruire jusqu’au pied de vigne. Des filets sont installés au dessus des parcelles les plus précieuses, une technique très couteuse, afin de les protéger de ce genre de désastres.
La cordillère des Andes, le jeu de latitude versus l’altitude, le climat sec et continental avec peu de précipitations, le contrôle de l’eau, l’amplitude thermique… tous ces éléments et bien d’autres se combinent pour créer l’unicité des vins argentins.
* à titre comparatif : le 38oS au 42oS incluent aussi les région viticoles de la Bay of Plenty jusqu’au Nord de la région de Canterbury (Waipara) en Nouvelle-Zélande.
**à titre comparatif : Bordeaux (France) reçoit entre 850mm et 1000mm de pluie annuellement, Napa Valley (États-Unis) reçoit entre 500mm et 650mm de pluie annuellement, Rioja (Espagne) reçoit entre 300mm et 500mm de pluie annuellement.
Les assemblages
Bien que la production argentine soit axée sur des vins issus d’un monocépage, quelques bodegas se distinguent par leurs vins d’assemblage. En voici quelques-uns :
À découvrir : Mendoza ‘Gran Lurton Bianco’ Bodega Piedra Negra (25,95$) Code SAQ : 12461939
Friulano 80%, Chardonnay 10%, Pinot Gris 5%, Viognier 5%
Le friulano est fermenté et élevé sur lies en barrique développant des arômes de brioche, de crème pâtissière et de beurre frais. Sur la pêche blanche et la pomme jaune avec une pointe de vanille.
Fantastique avec votre poitrine de poulet juteuse aux ananas grillés avec une sauce au beurre d’arachides sur lit de riz blanc au beurre.
À découvrir : Patagonia Malbec ‘A Lisa’ 2015, Bodega Noemia (28$) Code SAQ : 11517460
Malbec 90%, Merlot 9%, Petit verdot 1%
Aux accents de framboises et de mûres, un soupçon de violette et des tannins souples et présents qui nous rappelle son passage en barrique.
S’agence à merveille avec un magret de canard, demi-glace à la cerise accompagné d’une purée de pomme de terre et topinambours.
À découvrir : Valle de Uco Mendoza ‘colección’ 2012, Cuvelier los Andes (27,75$) Code SAQ : 12921878
Malbec, Merlot, Syrah et Cabernet sauvignon
Un vin dense sur des arômes de cerises noires et de mûres fraîches, de cacao et de cannelle et un soupçon de fumée. Une acidité rafraîchissante et des tannins présents et fermes qui pourrait bénéficier d’aération (passer en carafe 15 à 20 minutes avec le souper). Possède toutes les qualités d’un bon vin de garde (à boire d’ici 2022).
Délectable avec un effiloché de porc sauce bbq fumée et poivrons rouges grillés servi sur nouilles croustillantes.
On se gâte avec : Mendoza ‘Quimera’ 2012, Achaval Ferrer à (59,75$) Code SAQ : 11314806
Assemblage de type bordelais (Malbec en prédominance, Cabernet Sauvignon, Cabernet Franc et Merlot)
Un vin costaud qui pourra vieillir quelques années pour assouplir ses tannins (à boire d’ici 2025). Mélangeant la minéralité organique et inorganique (terre battue et graphite), il s’ouvre sur des arômes de bleuets et de cassis avec une touche de romarin.
Vous séduira avec une longe d’agneau sur orge perlé, accompagnée d’une poêlée de champignons et bettes à carde, complétée par un jus de veau à la datte.
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