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21 octobre 2017 | . |
Le bonheur est dans le chai.
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![]() les terrasses-du-larzac – 500 hectares pour la production de vins rouges, dont 60 % en bio, sur 32 communes – séduisent. Mais, pour les arrivants, la réussite se mérite. Et le travail dans les vignes, les plus hautes se situant à quelque 400 mètres d’altitude, est rude. Krystel Brot, du domaine Le Clos rouge, en sait quelque chose. ” Je ne pensais pas que ce serait si dur physiquement, concède cette viticultrice de 47 ans. Et quand on crée un domaine, c’est encore plus difficile, il faut tout inventer, le réseau, les clients… “ Cette ancienne visiteuse médicale a tout simplement changé de vie, quand elle a décidé d’acquérir 5,5 hectares de vignes en 2013. La vie de famille a été malmenée. Fini les voyages, les vacances… faute de temps et d’argent. Pour autant, avec son mari, Joël Peyre, ingénieur biochimiste, elle n’a jamais songé à abandonner. À environ 250 mètres d’altitude, Krystel produit de 10 000 à 15 000 bouteilles par an. Mais la situation reste tendue. Pour tenir, raconte la néoviticultrice, il faut deux ans de trésorerie d’avance. Une nécessité, d’autant que les deux dernières années ont été particulièrement difficiles avec la sécheresse. Trentenaires ou quinquas, urbains ou ruraux de retour sur leurs terres, les arrivées se multiplient. ” On compte cinq à six installations par an. L’image de l’appellation, avec près de deux tiers en bio, séduit “, témoigne Marie-Pierre Cabanes, à la tête du domaine d’Archimbaud, une belle histoire familiale commencée avec l’arrière-grand-mère. Elle-même conduit son exploitation de Saint-Félix-de-Lodez en biodynamie, sans pour autant être certifiée. ” J’ai hérité d’une terre saine, c’est une marque de qualité pour nos vins. “La naissance rapide de l’AOC, après simplement quatre années d’attente, s’est appuyée sur des conditions favorables à la production d’un vin de qualité (terroir et climat) et sur une histoire ancienne qu’atteste l’activité des moines bénédictins de Lodève, de Saint-Guilhem-le-Désert ou d’Aniane. Mais elle témoigne aussi d’une volonté collective, à la base de toute demande d’appellation. ” Un esprit Larzac, de pionnier, de défricheur ? “, s’interroge le président de l’appellation, Éric Ajorque. On est ici non loin du causse, de ses brebis et de ses éleveurs réputés, à l’instar de l’icône José Bové, forts en caractère. Arrivé en 2014 à la tête du Mas Conscience, à Saint-Jean-de-Fos, le président (depuis juin 2017), ancien directeur d’une entreprise d’accessoires de chasse en Charente, énonce fièrement ” l’augmentation de 25 domaines en cinq ans “, pour un total de 62 domaines et 4 caves coopératives. Éric Ajorque se rappelle avec émotion son arrivée : ” Dès le premier jour, ma pompe est tombée en panne ; j’ai aussitôt été dépanné par mes voisins et me suis retrouvé, une demi-heure plus tard, avec trois pompes ! “C’est aussi à Saint-Jean-de-Fos que va s’installer Marie-Noëlle Tournes. Actuellement salariée sur les terres de son beau-père, qui faisait du raisin et des olives, la jeune femme de 34 ans veut créer son domaine, qui s’appellera le Clos des Combals, vingt hectares, dont six avec l’appellation. ” Il y a de la solidarité, on fait quelque chose de neuf, avec une qualité qui exige certaines contraintes “, témoigne Marie-Noëlle Tournes.
” L’ancien “, 62 ans, qui cultive depuis 1998 les vignes de son Mas de la Seranne, à Aniane (aujourd’hui 15 ha), à l’origine de la création de l’appellation, vante lui aussi la ” cohésion “. ” Il y en a qui débarquent et qui souhaitent faire un vin à leur idée. Chacun fait comme il veut dans son chai, mais il y a un esprit “terrasses-dularzac”. Il faut que nous allions plus vers les nouveaux, on ne va pas leur dire comment faire le vin, mais comment il doit être “, explique-t-il. Alors le syndicat de l’AOC a créé une commission ” intégration ” qui organise les parrainages entre anciens et nouveaux. Isabelle et Vincent Goumard, à la tête du Mas Cal Demoura et de 15 ha de vignes depuis 2004, comptent aussi parmi les anciens. ” On a été très vite en difficulté, on ne s’est pas payés pendant cinq ans, on a mangé des pâtes et des patates “, témoignent ceux qui avaient abandonné leur activité lucrative de conseil en entreprise. Aujourd’hui, Cal Demoura est une référence, mais la marche fut longue. ” Si vous croyez que le raisin et le marché vont se plier à votre volonté, vous allez au casse-pipe. Faire du bon vin, ce n’est pas trop difficile, ce qui est compliqué, c’est d’en produire chaque année “, insiste Vincent. Ceux qui sont bien installés se rappellent tous les temps difficiles, comme Marie -Chauffray, du domaine de la Réserve d’O, à Arboras. ” Aujourd’hui, ça va mieux, les nouveaux profitent du passage en appellation, ça fait du bien à tout le monde “, explique cette énergique -propriétaire de 13 hectares en biodynamie et ancienne présidente de l’appellation.
Des échecs existent, ceux dont on parle moins. John Sanderson vient de vendre son domaine, Clos Ventas. Il n’a pas tenu à nous parler, mais on évoque, dans les terrasses, les moyens que n’auraient pas voulu investir ses associés. ” Il y en a qui s’attendent à des retours sur investissement phénoménaux, mais il faut pouvoir tenir en moyenne trois ans et, avant, cela coûte “, énonce le robuste Olivier Jeantet, propriétaire d’une quinzaine d’hectares, au Mas Haut-Buis, à La Vacquerie. Installé depuis une vingtaine d’années, venu du BTP, le viticulteur croit en l’avenir prometteur de l’appellation. ” Aujourd’hui, l’image des terrasses-du-larzac est forte, avec une vraie cohérence gustative, des vins d’une grande fraîcheur et qui peuvent se garder “, énonce-t-il. De quoi attirer toujours plus de nouveaux venus. Par Rémi Barroux
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