Par Isabel Bordeleau
On ne naît pas sommelier, mais on le devient. Et plus on en apprend sur le vin, plus on se rend compte à quel point on n’en connaît bien peu sur ce monde immensément grand et sans fin. Bien sûr, il y a toute cette théorie à assimiler, mais, au-delà de cela, il y a l’expérience du plancher, des dégustations et des rencontres qui elles, s’accumulent doucement voire même sournoisement au fil du temps, et qui bâtissent, au final, toute la richesse de notre savoir.
C’est donc cette soif de connaissances insatiable qui me fit accepter, sans hésiter, une invitation pour aller travailler bénévolement à une soirée caritative du Grand Cru Culinary Wine Festival de Toronto en date du 28 octobre dernier. Sans même avoir reçu la carte des vins à l’avance, je pris la chance qui s’offrait à moi, espérant secrètement que ce voyage éclair de 24h pendant la période la plus occupée de l’année à Montréal pour les dégustations, allait somme toute valoir la peine.
Eh bien, chers lecteurs, je dois vous avouer que mes attentes furent comblées! Que de Grandes Bouteilles et que d’émotions, le temps de cette soirée…
LES MOMENTS FORTS DE LA SOIRÉE:
SALON 1996:
La soirée débuta avec le Champagne Salon 1996. Cette petite maison de Champagne hautement qualitative est située en Côte des Blancs et ne produit qu’une seule cuvée, provenant d’un seul cépage (le chardonnay), uniquement sur des vignes de plus de 40 ans, sur un seul village (Le Mesnil-sur-Oger) et ce, seulement dans les meilleurs millésimes. Le 1996 est absolument magnifique avec des notes de brioches, de noisettes, de truffe blanche, voire même de café. Le vin est à la fois intense et pur et, malgré ses 20 ans, présente encore une grande tension et un beau potentiel de garde.
BÂTARD-MONTRACHET DRC 2003:
Les présentations pour le Domaine de la Romanée-Conti (DRC) ne sont plus à faire. Il s’agit de l’un des domaines les plus prisés au Monde, pour la qualité et la rareté de ses vins. Le domaine met en vente chaque année des quantités microscopiques de vins provenant de ses 8 grands crus.
Mais il existe un 9e grand cru vinifié par le DRC, qui n’est cependant jamais commercialisé. En effet, 600 à 900 bouteilles de Bâtard-Montrachet sont produites chaque année par le domaine, mais elles ne sont jamais relâchées sur le marché. Chaque bouteille est numérotée no.00000 car elles ne sont pas à vendre; elles sont réservées pour la famille et les amis seulement. Lors de cette soirée, nous avons eu la chance d’ouvrir 8 de ces bouteilles! On y retrouve un vin puissant, aux notes complexes de cire d’abeille, de miel, d’amandes, de beurre, de fleurs blanches et de coing. On y sent une richesse et une amplitude (le millésime l’oblige), accompagnées d’une minéralité surprenante. Sans contredit un grand blanc…
LA TÂCHE DRC 2002 (Format Magnum):
Probablement mon coup de coeur de cette soirée. Un peu timide à l’ouverture, puis, après quelques heures, le vin se dévoile, peu à peu. On y retrouve un fruit magnifique, sur des notes de cerises et de framboises, puis des notes de boîte à épices ainsi qu’un caractère légèrement floral. La texture du vin en bouche rappelle le velours, avec une attaque à la fois ample et volumineuse, dont la perception de la minéralité vient apporter cette vivacité en finale qui parvient à nous faire vibrer. Sublime!
RICHEBOURG DRC 1971:
On dit de Richebourg que ce cru a besoin de temps pour se révéler dans toute sa splendeur. Ce 1971 tient encore la route de façon surprenante. Le nez se développe sur des notes de truffe noire, de cuir, de sous-bois, de cerises, d’épices et de pot pourri. On sent le côté évolué du vin avec ses notes plus tertiaires, tout en étant en harmonie. En bouche, les tannins sont d’une élégance à en faire rêver. Le vin évolue dans notre verre, change, sans jamais se fatiguer.
CHÂTEAU LATOUR 1990:
Encore une petite jeunesse! On y retrouve des notes de fruits noirs murs, de prunes, de cassis, de café moka, de réglisse et de mine de crayon. On commence à percevoir des notes plus délicates de sous-bois et de tabac blond qui laissent percevoir une certaine évolution, mais le vin est encore dans sa puissance. Le corps est concentré et corsé. Les tannins sont présents, fins et soyeux. Il y a cette fraîcheur, puis ce caractère minéral (nous rappelant la mine de crayon) qui apportent au vin beaucoup de longueur et de complexité.
CHÂTEAU D’YQUEM 1989 (Format Magnum):
Je n’ai jamais été une grande admiratrice des vins de dessert, mais je ne peux m’empêcher de m’extasier devant certains de ces vins sucrés. Il est facile de vite tomber dans la lourdeur avec un excès de sucre ou un manque d’acidité, or, ce Yquem 1989 est, pour moi, une grande réussite sur ce travail d’équilibre. Bien que riche et gourmand, les différents éléments du vin se côtoient de façon harmonieuse. On y retrouve des notes d’abricots confits, d’ananas très mur, de noix de coco grillée, de miel et de vanille. Même ceux qui n’ont pas le bec sucré se surprendront à en redemander (dont moi)!
CHÂTEAU HAUT-BRION 1918 (Format Magnum):
Nous avons eu la chance de déguster un Haut-Brion 1918, qui tenait encore la route! De pouvoir tenir dans son verre un siècle d’histoire est sans contredit un moment fort en émotion. Le vin était fragile, oui, mais avait encore à donner. Un grand moment.
Le Grand Cru Culinary Wine Festival de Toronto a permis d’amasser plus de 21,2 millions de dollars depuis 2005 pour l’UHN (University of Toronto Faculty of Medicine) afin de faire évoluer la recherche en santé.
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